Le sel est connu depuis la Préhistoire (voir une des plus anciennes villes préhistoriques d'Europe Solnitsata) pour ses caractéristiques d'assaisonnement et de conservation des aliments. Il était extrait de mines généralement très enfouies dans le sol (mines de roches évaporitiques telle que la halite), ou plus facilement de sources salées ou de la mer (saliculture)1. Les tessons de briquetages, céramiques utilitaires dans l'extraction de sel (marmites où l'on faisait bouillir la saumure sur des fours à feux de bois et bâtonnets d'argile cuite dont l'assemblage permettait une partie de l'évaporation de cette saumure) sont fréquemment retrouvés jusqu'à l'âge du fer, période qui voit l'apparition d'outillages plus robustes et de plus grande capacité dans lesquels on faisait légèrement chauffer la saumure filtrée et concentrée (l'ethnoarchéologie montre que des croûtes de terre salées et séchées sont lessivées dans un entonnoir filtrant ou un panier par de l'eau de mer puis par de la saumure, de telle sorte que le jus salé arrive à saturation) pour préserver le combustible, l'obtention de grandes quantités de sel par ébullition de saumure consommant trop de bois2.
Alographia sive Diascepseon de save (1605).
Il fut également probablement précocement utilisé dans les rites religieux. On connait de tels usages chez les Hébreux (Lv 2,13), les Grecs et les Romains de l'Antiquité. Cet élément naturel a revêtu une grande importance stratégique et économique et a fait l'objet d'un commerce important, parfois sur de grandes distances.
On estime que le sel était déjà utilisé et donc extrait, 6 000 ans avant notre ère, au lac salé de Yuncheng, dans le Shanxi3.
Les routes du sel furent les grandes voies de communications et d'échanges depuis l'Antiquité pour l'acheminement du sel, transporté depuis les régions productrices vers les régions qui en étaient dépourvues.
Le contrôle de l'approvisionnement en sel fut l'une des clefs de l'expansion militaire de l'Empire romain qui s'en est attribué le monopole. Les armées de conquête de César emportaient avec elles des salaisons qui assuraient une partie de leur approvisionnement. Sans ces salaisons, les armées n'auraient pu avoir recours qu'au pillage des territoires conquis. Cette stratégie limita les résistances et assura une implantation durable de la civilisation romaine.
Le rôle du sel comme clef de l'approvisionnement militaire perdura jusqu'à l'invention, à la fin du xviiie siècle, de nouvelles techniques de conservation des aliments. Il joua donc un rôle crucial dans les grandes conquêtes maritimes, autorisant le transport de vivres pour des voyages d'exploration aux escales aléatoires.
Il a aussi été un moyen d'échange une monnaie ou un impôt, dont en Chine et en Europe comme en témoigne l'étymologie basée sur « sel » du mot « salaire » (en latin salarium, somme donnée aux soldats pour l'achat du sel). Le sel sous le nom de « salignon » fut une monnaie d'échange au Tibet et en Éthiopie. Le sel était en France stocké dans des greniers à sel puis des « Dépôts des sels » définis par l'Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers comme « chambres où le sel est mis en dépôt, dans les pays où il est marchand. La chambre des dépôts est aussi une jurisdiction établie pour connoître des contestations qui peuvent s'élever par rapport à la vente & distribution du sel. Le premier juge de cette chambre s'appelle le président des dépôts ».
Fauteuil à sel Tad Coz (utilisé dans le Finistère, le coffre du fauteuil servait à stocker le sel).
Boîte à sel pour la conservation en milieu rural, xixe siècle, collection musées départementaux de la Haute-Saône.
En France, le sel a été exploité dans des marais salants sur les littoraux méditerranéen et atlantique, peut-être dès la Préhistoire, et à l'aide de fours à sel dans les sauneries gauloises puis gallo-romaines des rivages de la Gaule du nord (ce pourrait être une des origines du nom des saliens) d'où il était acheminé sous forme de pains de sel jusqu'à Rome par les voies romaines, ainsi qu'un jambon ménapien salé ou fumé, fort réputé chez les Romains. En raison de ses vertus de conservation de la viande, du poisson, du beurre et du fromage, le sel devient un ingrédient indispensable aux familles. La religion catholique imposant des jours maigres (sans viande), le poisson séché et conservé dans le sel est très demandé. La salière est commune autant aux familles pauvres que riches. Chez ces derniers, la salière est ornée et constitue un objet de luxe. L'exemple le plus éclatant est sans doute la salière de l'orfèvre italien Benvenuto Cellini que lui commanda le roi François Ier. Au xvie siècle, l'importance du sel est telle que les dépenses d'une famille de paysans pour ce produit avoisine les 10 % de ses revenus4.
Le sel a été taxé pendant plusieurs siècles via un impôt spécifique appelé gabelle apparue sous Louis IX. Cette taxe devenue permanente, variable suivant les provinces et croissante au point de rendre le prix du sel élevé, est devenue si impopulaire qu'elle a entraîné des exodes ruraux massifs, déclenché des guerres et a participé au déclenchement de la Révolution française5. Une route du sel avec l'Italie est encore dans la géographie de la Provence. Les contrebandiers en sel étaient appelés « faux sau(l)niers » et les agents chargés de les traquer, les « gabelous ». Les litiges liés au sel et aux « greniers à sel » pouvaient relever des « cas royaux » : causes juridiques relevant de la seule souveraineté royale et donc « réservées à la connaissance des seuls juges royaux, privativement à tous autres juges » (seigneuriaux ou ecclésiastiques, et parfois prévosts qui n'étaient des « juges royaux inférieurs »).
En 1930, la Marche du sel initiée par Gandhi, pour protester contre le monopole britannique sur le sel, est une étape importante de la marche vers l'indépendance de l'Inde.
Parfois, la toponymie rappelle la présence de sel dans le sol comme dans Lons-le-Saunier ou Salins-les-Bains.